Treme est une série qui ne se donne pas d’emblée. The Wire, du même David Simon, malgré sa complexité narrative et ses personnages à profusion, recélait une familiarité évidente. Celle de la ville, des flics, des dealers, des élus, dans un manège de relations finalement assez connu. Je ne suis pas sûr d’avoir « compris » Treme. Au début. Il y a un docte professeur d’université qui se met à proférer des injures à l’administration Bush quand il se filme sur YouTube. Il y a des Blacks qui se griment en Indiens et chantent dans une langue indigène. Il y a des Américains dont les noms et certains mots sont français. Il y a un promoteur texan véreux qui semble sincèrement s’éprendre de la ville. Rien ne paraît être à sa place. Mais il y a aussi la musique, qui irrigue toute la série, qui lui donne sa vibration singulière, qui traverse les personnages, qui est un langage partagé où tous se reconnaissent et qui leur permet, à un moment ou à un autre, de tous jouer ensemble. La musique – les musiques, tant les styles cohabitent –, dont la syncope empreint même le montage, nerveux, abrupte, cassant un morceau au milieu pour enchainer sur un autre, puis revenir au premier, comme un incessant medley. Parfois l’épisode laisse le morceau se dérouler en entier, d’autres fois il le hache ou le coupe avant la fin, parce que même si la musique est là sacrée, elle reste un flux ininterrompu, une force vitale de l’endroit et des gens, qui continue de courir au-delà du découpage et malgré lui. La musique n’est pas que la bande-son des personnages, elle est leur métier et leur raison de vivre. Elle est cette « petite musique » que le grondement de la tempête n’aura pu emporter.
Je n’ai pas compris Treme. Au début. Mais j’ai aimé cette chronique d’un recommencement, après l’ouragan Katrina. Reconstruire la ville, et surtout son battement unique. Se reconstruire soi, dans un univers urbain pauvre et toujours au bord du précipice. Comment tisser les liens à nouveau, et comment garder « l’esprit » de la ville et de toute la Louisiane, quand chacun saisit qu’il ne pourra compter que sur lui, car Washington est loin et s’en moque. Comment le faire quand rien ne semble marcher, que les proches ont disparu, que la police est corrompue, et que la violence muette surgit soudain, filmée sans complaisance, et gâche un joyeux défilé ou frappe brutalement un personnage qui s’en tenait éloigné (Harley, Cherise).
J’ai enfin compris que cette Nouvelle-Orleans fictionnelle était un pays de Cocagne où toute une nation vivrait dans les notes et se mettrait à danser !
27/01/2018
PS: Treme (HBO) a été créée par Eric Ellis Overmyer et David Simon, et diffusée de 2010 à 2013 (3 saisons).